Dimanche soir et bientôt 23 heures, ma table est jonchée de copies. J’ai grignoté sur un coin de table, entourée de l’écriture à l’encre bleue ou noire de mes élèves. Entre deux bouchées, je corrige, le stylo rouge tenu fermement dans ma main fatiguée. 
Dehors, tout est calme, paisible et serein. Par ma fenêtre, je vois mes voisins dans leur canapé, probablement devant une bonne série Netflix. D’autres bouquinent au lit. Les plus chanceux sont déjà plongés dans un sommeil doux et profond. Le silence règne tout autour de moi.
Moi, l’échine courbée sur mes feuilles, je crayonne, je griffonne, je gratte du papier, j’égrène des points sur les copies comme le Petit-Poucet disperse ses petites miettes de pain sur son chemin.
Un point par ci, un point par là.
“En progrès, ne lâche rien !”
Est-ce à moi que j’écris cette appréciation d’encouragement ? 
L’heure tourne…
Ah ! Les profs, c’est bien connu ! Des semaines de 18 heures, des vacances tous les deux mois !
Allez, encore trois copies, et au lit…
Reporter au lendemain ? Impossible ! Les bulletins à remplir, les cours à préparer, les réunions à droite à gauche, les emails auxquels il faut répondre, les cours à assurer… Et les élèves, ils ne vont pas non plus attendre leurs copies pendant un mois !
Ce “rituel” infernal des copies les matins et soirs de week-end, c’est notre quotidien d’enseignants. Toutes les trois semaines en moyenne, mon petit appartement se remplit de tas de feuilles A4 à grands carreaux aux écritures saccadées ou rondes, propres ou brouillonnes, c’est selon. Prof de lettres, je n’ai clairement pas choisi la matière la plus légère à corriger… 
Un travail minutieux, de patience, d’empathie et bienveillance, qui ressemble bien trop souvent à un labeur abrutissant…
L’heure tourne…
La tête aussi devant toutes ces lignes, toutes ces lettres qui dansent sous les yeux ! Une petite pause ? Impensable ! Si je m’arrête dans ce marathon, je ne reprends pas…
Ah ! De quoi te plains-tu ? A 17 heures tout au plus, tu as fini ta journée ! Quand moi, je suis encore au bureau à 19 heures !
Encore deux copies, allez, du courage !
“Excellent travail, plus rien ne t’arrête !”
Un travail de fourmi dans un monde de géants…
Des paquets de 25, 30 ou 35 copies, multipliés par deux ou trois classes…
Les chiffres affolent mon cardio !
L’heure tourne…
Du nerf, plus qu’une copie, et mon quota quotidien est atteint !
Si je ne l’atteins pas, je dormirai mal, je le sais…
Oh ben mince alors ! L’élève n’a visiblement pas appris son cours… Il m’a rendu une copie… presque vide !
…
“Merci, grâce à toi, je me couche un peu plus tôt que prévu ! 
“
Non, je n’irai pas jusqu’à l’écrire, mais, du fin fond de mon lit douillet, je le pense très fort ! 
